lundi 7 mai 2007

In mémoriam



Ancien auditeur de l’Institut de la Défense Nationale, Guy Leonetti est cadre supérieur à La Poste. Il a établi l’édition des Lettres de Diên Biên Phu. Extraits d'un entretien publié par la Fondation La Poste:

Pourquoi tant de volontaires se sont pressés dans cette bataille alors qu’elle semblait perdue d’avance ?

Guy Leonetti : (...) 709 volontaires exactement ont accepté d’être parachutés, ils n’avaient jamais sauté en parachute et qui plus est, la superficie du camp ne cessait de se réduire au fil des jours. La probabilité de tomber dans les lignes ennemies n’était pas mince. Aujourd’hui, dire qu’ils voulaient rester avec leurs copains, que perdu pour perdu, ils voulaient livrer la bataille de l’honneur, est un argument qui a un côté "panache", difficile peut-être à comprendre, mais qui est avéré. (...) Il y a eu une forme de contagion de l’héroïsme à Diên Biên Phu qui est assez surprenante. Pierre Shoendoerffer a raison quand il dit qu’il y a là un mystère. Ils se sont battus jusqu’au dernier pour l’honneur. De jeunes médecins opéraient des gestes chirurgicaux qu’ils n’avaient jamais fait auparavant et dans des conditions épouvantables. Diên Biên Phu a un côté Verdun sauf qu’à Verdun, les troupes étaient régulièrement relevées. Les combattants de Diên Biên Phu se battaient jour et nuit, étaient sous-alimentés, ce qui explique aussi la très forte mortalité durant la captivité.
Quant à la captivité...

Guy Leonetti : La captivité est un moment terrifiant. Après avoir combattu pendant 57 jours, les rescapés devenus prisonniers des Viêts partaient sans chaussure, sans nourriture pour une marche de 800 km. Sur 10 000 combattants capturés par les Viêts, dont 3 252 étaient blessés, 7 708 sont morts en captivité. Dans les camps viêts, ils étaient endoctrinés, démolis psychologiquement, et les soldats, pour la majorité, n’ont pas résisté. Parmi ceux qui ont été libérés, certains pensent que leur libération est due au fait que les Viêts considéraient qu’ils allaient être à leur retour de bons vecteurs pour diffuser l’idéologie communiste. Quand il y avait des blessés à gravité identique, toute une logique démocratique qui consistait à soigner les gens à la lumière de leur couleur de peau et de leur grade était mise en oeuvre. Les Maghrébins ou les Africains passaient avant les Français, les officiers passaient après les sous-officiers lesquels passaient après les soldats.

Et le sort des vietnamiens ?

Guy Leonetti : Les Vietnamiens qui ont combattu auprès des Français ont été immédiatement séparés au moment de la captivité, puis ont tous été exterminés. Les Viêts ont fait plusieurs blocs : les soldats français qui étaient eux-même séparés selon leur grade, les officiers, les sous-officiers et les hommes de troupes ; les soldats de l’empire, c’est-à-dire les colonies, africains, maghrébins, puis les vietnamiens considérés comme des traîtres. Il doit y avoir à peine une cinquantaine de survivants vietnamiens. (...) Geneviève de Galard est prisonnière du camp retranché et seule femme à partager le sort des 15 000 soldats enterrés dans la nasse de Diên Biên Phu). Avec Geneviève de Gallard, l’opinion française s’est tout d’un coup passionnée pour le sort des combattants de Diên Biên Phu. Mais très vite, l’oubli est retombé, d’abord la guerre d’Indochine était une sale guerre, puis les combattants qui étaient encore aptes physiquement, sont partis combattre en Algérie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour ce 'in mémoriam' émouvant et pour ce réac-blog passionnant.