Contraint de me déplacer en métro et RER suite aux intempéries neigeuses, je parviens à oublier la promiscuité, à supporter les odeurs et l'ambiance de bétaillère qui règnent dans les rames parisiennes grâce au dernier livre d'Eric Brunet "Dans la tête d'un réac". La chute du premier chapitre ma provoqué une bonne crise de rire. C'est dire! L'extrait qui suit est moins drôle. Mais comme je me plonge depuis quelques jours dans un sujet qui me hante - les persécutions perpétrées par la République espagnole, par l'entremise d'un nouveau blog, je ne résiste pas à vous partager les lignes qui suivent.
"Le 7 novembre 1936, les soldats nationalistes avancent. La guerre est aux portes de Madrid. La capitale espagnole est remplie de journalistes et d'écrivains internationaux, anglais, américains, français : le Komintern a compris tout l'intérêt qu'il pouvait tirer de la mise en scène de la chute de Madrid. Pendant que les journalistes étrangers multiplient les articles lyriques, les « conseillers soviétiques » Orlov et Ko1tsov demandent au camp républicain de vider les nombreuses prisons encombrées de Madrid. Le gouvernement républicain, dirigé par des communistes et des socialistes, va, sur ordre de son sousdirecteur de la Sûreté, Serrano Poncela, prouver son sens aigu de l'organisation.
Santiago Carrillo, conseiller à la Sécurité intérieure, va planifier l'impensable : la liquidation en masse, sur une durée de deux mois, de tous les « suspects » emprisonnés à Madrid. Plusieurs dizaines de milliers d'Espagnols vont être arrachés à leurs cellules et dépouillés de leurs objets personnels : des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des prêtres, des intellectuels comme Ramiro de Maeztu qui faisait partie de la génération de 1898. Tous des civils, arrêtés quelques semaines plus tôt par les terribles tchékistes républicains au motif qu'ils avaient caché un frère, un fils, ou parce qu'ils avaient été raflés dans une église... Les prisons de Modelo, de Ventas, de Porlier, de San Antôn, vont ainsi être « évacuées » selon la même procédure officielle, sur l'ordre d'un gouvernement soutenu par Léon Blum.
On va lier les poignets des prisonniers avec du fil de fer. Les détenus, hommes, femmes et enfants, vont ensuite être embarqués dans les célèbres bus à impériale de Madrid et dans des cars de tourisme. Environ soixante-dix civils par véhicule. Chaque bus sera escorté par une vingtaine de miliciens républicains. Destination : le petit village de Paracuellos. D'immenses fosses ont été préalablement creusées pour accueillir les « fascistes ». Par groupe de trente les détenus sont poussés au bord des fosses puis mitraillés par des volontaires. Lorsqu'ils tombent au fond de la fosse, un milicien républicain les achève d'un coup de revolver dans la nuque. Enfin, lorsqu'une fosse est remplie (environ mille cinq cents corps), elle est recouverte de chaux par des agents républicains.
On parle de près de onze mille corps de civils dans ces charniers de Paracuellos. Pourquoi Rossif ne mentionne-t-il pas cette tuerie dans son lyrique Mourir à Madrid? Pourquoi historiens et chroniqueurs de l'époque ont-ils oublié cet épisode ? Pourtant, d'autres villages vont connaître le même destin que Paracuellos : Bobadilla, Alarcôn.
Oui, il y eut l'abominable bombardement de Guernica. Mais quelques mois plus tôt, à Paracuellos, il ne se trouva aucun Picasso, aucun intellectuel pour raconter au monde le long ballet des bus à impériale, et l'implacable planification par les républicains espagnols d'un massacre vite enterré par les bonnes consciences humanistes."
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