jeudi 1 décembre 2011

Comment la psychanalyse parasite le diagnostic de l'autisme en France



Le quotidien La Croix, consacre cette semaine son supplément "Parents & Enfants" à "La lutte quotidienne des parents d'enfants autistes" et fait apparaître le rôle néfaste de la psychanalyse dans le diagnostic de ce handicap. 

Alors que la communauté scientifique internationale affirme depuis longtemps que l'autisme est un trouble neurologique d'origine génétique, beaucoup de psychiatres français continuent à l'interpréter, à la lueur de la psychanalyse, comme un trouble résultant d'une mauvaise relation avec la mère. Un documentaire récent, Le Mur, réalisé par Sophie Robert, soutenu par Autistes Sans Frontières, et mis en ligne, en témoigne. On y voit des psychanalystes parler de mère "psychogène", de "stade de folie transitoire" de la mère, voire de "désir incestueux". Trois psychanalystes mis en cause dans ce film veulent d'ailleurs le faire interdire au prétexte qu'il les "ridiculise": l'affaire sera jugée par le tribunal d'instance de Lille le 8 décembre prochain.

Face à cette situation de la France, qu’il juge « honteuse », M’hamed Sajidi, président de l’association Vaincre l’autisme, a du mal à cacher sa colère. « Malgré les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le diagnostic précoce, et une condamnation de l’Ordre des médecins, de nombreux praticiens hospitaliers continuent à ignorer les données actuelles de la science et de la médecine et, au-delà de l’ignorance, il s’agit d’un refus de les prendre en compte : cette idéologie de l’autisme, portée par les psychiatres psychanalystes, continue en effet à être enseignée dans les universités françaises, si bien qu’on fait perdurer l’erreur. »

Concrètement, seuls les parents « avertis » partent à la recherche d’un diagnostic correct dans les centres spécialisés qui tiennent compte des nouvelles données de la science. Mais la plupart continue à recevoir des avis erronés… ou rien du tout. Avec des conséquences graves sur l’enfant et sur son entourage. « Quand l’enfant n’est pas pris en charge précocement, son état se dégrade, la maladie use sa santé et celle de sa famille, poursuit M’hamed Sajidi. L’absence de diagnostic et la mise en cause de la mère conduit au déchirement des couples : entre 60 et 70 % des parents se séparent, de nombreuses mères restant seules avec leur enfant. Alors que ceux à qui on donne des informations correctes se soudent pour lutter. »

Dans ce dossier, on peut lire un entretien avec le docteur Eric Fombonne, directeur du Programme clinique et de recherche sur l'autisme à l'hôpital pour enfants de Montréal dans lequel la psychanalyse est gravement mise en cause:
Dr E. F.  : Les premiers symptômes apparaissent en général dans la deuxième année de la vie. Au Québec, on fait le diagnostic largement avant 3 ans ; aux États-Unis un peu plus tard. Le problème en France est que certains enfants ne sont pas diagnostiqués du tout ou traînent avec de faux diagnostics qui empêchent la mise en place d’actions éducatives précoces.  
Pourquoi un tel retard ?
Dr E. F. :  La psychiatrie de l’enfant est dominée en France par un courant de pensée : la psychanalyse. Les pédopsychiatres mènent souvent leurs entretiens avec des approches un peu naïves : ils en reviennent toujours aux affects, aux relations supposées perturbées avec les parents, notamment avec la mère. Et ils ne posent pas les bonnes questions. La psychiatrie française a créé dans les années 1980 sa classification des troubles mentaux de l’enfant, qu’absolûment personne n’utilise en dehors des frontières de l’Hexagone.L’autisme y figure, avec une définition extrêmement étroite qui concerne les cas les plus sévères. Les autres catégories diagnostiques parlent de « disharmonie » psychotique, névrotique ou « déficitaire ». Si bien que beaucoup d’enfants autistes ne sont pas reconnus en tant que tels, mais diagnostiqués dans ce fouillis des disharmonies qui reflètent des concepts psychanalytiques dépassés et sont systématiquement associés à des prises en charge basées sur des psychothérapies inadaptées.
On sait donc aujourd’hui que le comportement des parents n’est pas du tout en cause ?
Dr E. F. : Cela fait très longtemps que cette responsabilité des parents est évacuée de la littérature scientifique internationale. De nombreuses études ont été faites dans ce domaine : elles ont montré que les parents d’enfants autistes étaient tout aussi compétents que les autres. Il n’y a donc plus de place pour cette théorie environnementale naïve sur le rôle des « mauvais » parents. C’est complètement absurde et obsolète.



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